Cet article est l'aveu d'une occasion didactique manquée d'un enseignant peu rompu à l'art d'agir dans l'urgence (capturer la manifestation d'une sensibilité unique et spontanée d'un sujet lecteur vis-à-vis d'un texte) et décider dans l'incertitude (l'impact des dessins de lecture d'une élève sur milieu didactique) (Perrenoud, 1996). L'objectif est d'essayer de rectifier, à postériori, un schéma d'intervention didactique valorisant le sujet lecteur au sein d'une action conjointe (Sensevy, 2011) : la part faite à l'élève dans le schéma d'intervention de l'enseignant.
L'expérience et le partage du sensible actualisent des « questions de l'imbécile » (Daunay, 2014) : comment saisir à la volée les dessins en marge du texte, réactions sensibles d'une élève et subterfuges d'une lecture analytique afin d'« infléchir les cheminements interprétatifs » (Rouxel, 2007) prédéfinis ? Le « milieu-problème » (Sensevy, 2011) proposé ici a la particularité suivante : la rupture du contrat didactique provient du côté de l'élève, de son fort sensible. Nous proposons donc d'articuler différemment un des questionnements de ces rencontres : ainsi, il ne s'agirait pas tant de savoir « comment considérer des remédiations pour les élèves « insensibles » aux enseignements littéraires », mais de s'appuyer sur des réactions de ce type pour augmenter la marge étroite d'expression dont disposent les lecteurs en « liberté surveillée » (Compagnon, 1998 : 172), de l'étaler même à la taille de toute une collectivité lectorale et interprétative, de faire en sorte que cette expérience didactique ne soit plus manquée.